lundi 19 décembre 2011

Une photo, quelques mots #1

67401982_p

Je participe pour la première fois à cet atelier d'écriture. J'attendais qu'une photo m'inspire suffisamment ^^

Les règles du jeu :
Chaque semaine Leiloona  poste une nouvelle photo de la galerie de Kot. On s'en inspire pour écrire un texte. Ni genre, ni formes imposés. La publication se fait tous les lundis en début de journée, histoire de commencer la semaine par de la lecture !


Donc cette semaine, la photo était la suivante :

70999273


Pour rien, pour un portable.

J’ai froid. Je tremble, ma chemise est déchirée. Je n’arrive pas à réprimer ce claquement de dents incessant. Je gèle, mes orteils et mes doigts sont blancs, le sang s’en est allé. Je ne les sens plus.

Il fait nuit et j’ai froid. Nuit, oui : les guirlandes lumineuses se sont éteintes il n’y a pas cinq minutes. Il est tard, c’est pour cela. Ne reste que la lueur blafarde des réverbères à l’ancienne mode. C’est idiot mais j’ai l’impression qu’ils me narguent comme un feu qui  éclairerait sans réchauffer. Et on m’a pris mon manteau.

Je suis dans le parc, il fait nuit et j’ai froid. Pourquoi n’ai-je pas suivi la route habituelle, la route fréquentée ? Pourquoi vouloir toujours fuir l’affluence des rues ? Pourquoi avoir voulu traverser ce parc ce soir ? Au demeurant, c’est un sympathique endroit. Des enfants viennent s’y amuser dans la journée. En haut de ces escaliers, il y a une aire de jeux.

Allongé sur le sol mouillé, je suis dans le parc, il fait nuit et j’ai froid. Il pleut. Si le réchauffement climatique n’avait pas produit ses effets, il neigerait peut-être. Oui, mais il pleut et je le sais trop bien. Cette flaque dans laquelle je baigne, au pied du réverbère, ne cesse de me le rappeler.

La face ensanglantée, allongé sur le sol mouillé, je suis dans le parc, il fait nuit et j’ai froid. La chaleur du sang qui coule de mon nez contraste avec l’eau qui me glace le dos. J’ai l’impression de sentir encore le contact de leurs gros godillots sur ma figure et dans mes côtes. On me les a brisées, j’ai du mal à respirer. 

C’est Noël ce soir, la face ensanglantée, allongé sur le sol mouillé, je suis dans le parc, il fait nuit et j’ai froid.  Mes amis doivent m’attendre au chaud dans leur appartement, de l’autre côté du parc. Ce n’est pourtant pas bien loin. Peut-être ont-ils commencé la fête sans moi. Sont-ils en train de manger ? Je voudrais les appeler mais on m’a pris mon portable. Je voudrais crier mais j’ai le souffle court.

Seul sur la Terre, c’est Noël ce soir, la face ensanglantée, allongé sur le sol mouillé, je suis dans le parc, il fait nuit et j’ai froid. Pourquoi n’y a-t-il personne dans ce parc ? Pas même un SDF, pas même un policier. Les gens chantent Noël dans l’insouciance de leur foyer. Et moi, je suis là dans ce parc, sous ce réverbère, dans cette allée déserte et détrempée. Mais, ô Dieu, que ma dernière vision sera paisible !

 Je vais mourir ce soir de Noël, seul dans ce parc, seul sur cette Terre, mourir de froid et de douleur sur le sol mouillé. Cette nuit, on m’a battu à mort et abandonné.

 Pour rien. Pour un portable.

2 commentaires :

  1. Wow ! Un texte fort, j'aime vraiment beaucoup le découpage. Bravo !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci ^^ Le tien est juste... wahou ! Quelle chute !

      Supprimer