jeudi 17 octobre 2013

Parfums, Philippe Claudel




J’ai tellement aimé Le Rapport de Brodeck que je partais avec un a priori très positif pour ce recueil. 

"En dressant l'inventaire des parfums qui nous émeuvent, ce que j'ai fait pour moi, ce que chacun peut faire pour lui-même, on voyage librement dans une vie. Le bagage est léger. On respire et on se laisse aller. Le temps n'existe plus : car c'est aussi cela la magie des parfums que de nous retirer du courant qui nous emporte, et nous donner l'illusion que nous sommes toujours ce que nous avons été, ou que nous fûmes ce que nous nous apprêtons à être. 
Alors la tête nous tourne délicieusement."

L’idée est originale et le traitement remarquable grâce au style poétique et recherché de l’auteur. Il nous offre et partage avec nous toute une panoplie de madeleines de Proust. Philippe Claudel a fait le choix de puiser ses souvenirs dans les odeurs les plus variées possibles et imaginables : des plus agréables (fleurs, fruits, cannelle), aux plus repoussantes (chou, douches collectives), en passant par les plus insolites (pull-over, enfant qui dort). Chaque odeur ressuscite un moment aussi fort que l’original avec une petite note nostalgique mais toujours plein de tendresse. J’ai beaucoup apprécié l’ouvrage d’autant plus que chaque rubrique, ou presque, a trouvé une résonance dans mes propres souvenirs. C’est une des forces de cette œuvre : sa capacité à parler à tous malgré l’intimité des anecdotes partagées.

La forme est agréable avec cette succession de nouvelles courtes comme autant de Petits poèmes en prose. Si l’on n’accroche pas à une odeur (ce qui peut arriver, ce qui m’est arrivé), on sait que la suivante nous attend. On peut aussi picorer de-ci de-là. La lecture n’est pas contrainte. Il ne faut pas se presser, ne pas tout lire d’un coup (sinon attention à l’overdose : personnellement, je suis allée trop vite et me suis un peu lassée). Il s’agit plutôt de piocher, de temps en temps, en prenant son temps, une tranche de souvenirs. 

♥♥♥♥

L’odorat est un sens à part, fugace mais, ô combien puissant ! Les souvenirs visuels et auditifs sont très intellectualisés ; alors que ceux liés à l’odorat nous envahissent entièrement sensuellement et émotionnellement, sans effort à fournir mais aussi sans moyen de résister. La meilleure description de ce que je ressens a été donnée par Marcel Proust lui-même. Je vous laisse donc sur cet extrait archi-connu mais toujours aussi juste : 

« Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »

Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, 1913

Ce dernier passage en couleur est peut-être un de mes extraits littéraires favoris !

1 commentaire :

  1. Bonjour,

    Je vois que vous êtes mordu(e) de lecture ;) Si le cœur vous en dit et si vous aimez découvrir de nouveaux univers, je vous invite à faire plus ample connaissance avec la romancière Marie Caron. Les chroniques littéraires qui ont vu le jour sur la toile comparent souvent son roman « Couleur Émeraude » avec les écrits de S.King (mystères au compte-goutte, etc...) Voici son site web : mariecaron.fr – Vous pouvez aussi découvrir le profil Amazon de l'auteur ici : http://www.amazon.fr/Marie-Caron/e/B00EDH2YBE/ref=ntt_dp_epwbk_0

    Je vous invite également à rejoindre la page Facebook de M. Caron. En effet, une offre destinée à tous les futurs fans qui likeront la page a été publiée très récemment. https://www.facebook.com/photo.php?fbid=10153518862225103&set=exp.10153518862340103.unitary&type=1&theater
    Marie.C offre les 2 premiers chapitres de son futur roman « Maintenant et à travers les temps ». C'est une offre limitée dans le temps, vous devriez sauter sur l'occasion ! ;) (et pourquoi pas, prévenir vos copinautes :P)

    En vous souhaitant d'agréables lectures,

    Bien à vous et bon surf sur les vagues littéraires. ;)
    Ps : Il est possible que vous n'appréciez pas ce genre de commentaire "coup de pub", vous pouvez le supprimer si vous le désirez. Il n'y a pas de mal.

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